3 niveaux d'inspiration

Le biomimétisme classe les innovations inspirées du vivant en trois niveaux : celles qui relèvent de la forme, celles qui relèvent des matériaux et des procédés, et enfin le biomimétisme écosystémique. Ces trois niveaux peuvent être vus comme autant d'étapes successives vers la durabilité [...] et sont donc complémentaires"

Gauthier Chapelle

 Andreina Schoeberlein - Flickr - CC BY-NC-ND 2.0
Andreina Schoeberlein - Flickr - CC BY-NC-ND 2.0

S'inspirer des formes

Whit Welles - Wikimedia Commons - CC BY 3.0
Whit Welles - Wikimedia Commons - CC BY 3.0

Le biomimétisme de forme consiste à améliorer les performances environnementales d'une technologie par un travail sur la forme, inspiré du vivant".

Gauthier Chapelle

 

C'est le niveau d'inspiration le plus simple, et par conséquent le plus répandu.

L'observation de la baleine à bosse, et plus particulièrement de ses nageoires pectorales recouvertes de tubercules, est à l'origine des pâles d'éolienne développées par la société canadienne WhalePower. Cette technologie améliore le rendement énergétique de 20 %, tout en rendant ces éoliennes moins bruyantes.

Le biomimétisme de forme à l'échelle microscopique ou nanométrique offre des possibilité infinies. L'analyse au microscope de la peau du requin a révélé des rainures permettant de réduire la résistance à l'eau, à l'origine de la fabrication de combinaisons de natation. A l'échelle du nanomètre, ces denticules se sont révélées capables de repousser les bactéries, ce qui a permis de créer du revêtement et du matériel antibactériens afin de lutter contre les maladies nosocomiales dans les hôpitaux.

"L'effet lotus" s'explique par la structure super-hydrophobe de la feuille de lotus composée de rugosités de taille micrométrique et d'un tapis de cristaux de cire de taille nanométrique. Cette propriété est exploitée pour réaliser des matériaux auto-nettoyants.

En savoir plus et découvrir d'autres exemples dans cette conférence de Tarik Chekchak.

 

S'inspirer des matériaux et des procédés

David Lewis - Flickr - CC BY-NC-ND 2.0
David Lewis - Flickr - CC BY-NC-ND 2.0

"Le tour de force de la nature est non seulement de produire des matériaux très complexes et parfaitement fonctionnels, mais encore de les fabriquer à température et pression ambiantes, sans utiliser de produits toxiques."

Conseil économique social et environnemental

 

Matériau phare du biomimétisme, la soie d'araignée, à la fois solide, résistante et élastique, présente des qualités uniques, sources d'inspiration dans de nombreux domaines, comme pour la conception de matériaux étirables à l'infini, ou pour ses propriétés acoustiques.

Un autre animal emblématique du biomimétisme, le gecko, rendu célèbre pour les formidables capacités adhésives de ses pattes, a inspiré la création d'un adhésif très solide, permettant à un humain de grimper aux murs sans efforts, ou à des robots miniatures de tirer 2000 fois leur poids.

L'analyse de la structure de la nacre a permis la conception d'un matériau dix fois plus tenace qu'une céramique classique.

L'étude de la cuticule de l'abdomen des lucioles a permis d'augmenter de 65% la puissance lumineuse des LED.

 

Ces différentes exemples ne représentent qu'une infime partie des possibilités offertes par ce niveau d'inspiration visant à copier le procédé naturel de fabrication. En faisant appel aux biotechnologies et à la biologie moléculaire, et en s'inspirant des processus moléculaires qui existent dans la nature, il paraît alors possible de dépasser le mode de fabrication traditionnel et d'offrir des solutions plus respectueuses et durables.

En savoir plus et découvrir d'autres exemples dans la suite de la conférence de Tarik Chekchak.

 

S'inspirer des écosystèmes

"Le niveau biomimétique ultime est atteint lorsque l’imitation se place à l’échelle d’écosystèmes entiers."

Paris Innovation Review

Philippe Rouzet - Flickr - CC BY-NC-ND 2.0
Philippe Rouzet - Flickr - CC BY-NC-ND 2.0

Le biomimétisme écosystémique s'inspire des relations entre les espèces, il encourage la coopération et la collaboration et nous ramène à notre interdépendance avec le reste de la biosphère. Avec ce dernier niveau, il s'agit de comprendre comment parvenir à un système durable en s'inspirant des relations entre des espèces et leur environnement.

 

S'inspirant des écosystèmes naturels, où les déchets d'une espèce peuvent être utilisés comme ressources par une autre espèce, le parc industriel de Kalundborg fait aujourd'hui figure de référence en matière de symbiose industrielle. La coopération, le recyclage et les échanges ont permis aux entreprises partenaires de minimiser leur impact environnemental en améliorant leur productivité.

Partant également du principe selon lequel la nature ne génère pas de déchet, la société Interface a mis au point une moquette inspirée des sols des forêts recouverts de feuilles. Les dalles créées sont recyclables, ne génèrent pas de déchets et peuvent être disposées de façon totalement aléatoire, permettant une économie de matière (moins de pertes de découpe).

 

Le secteur de la dépollution s'intéresse également de près aux écosystèmes. L'éco-catalyse, nouvelle forme de chimie durable et écoresponsable, est née de l'étude des plantes dépolluantes. En s'inspirant des champignons et de leurs stratégies de survie basées sur le recyclage et la collaboration, l'entreprise Polypop a expérimenté, en collaboration avec le groupe Eiffage, une méthode naturelle pour dépolluer les sols, la mycroremédiation.

 

Considérés comme des écosystèmes matures, les forêts ont atteint un équilibre dynamique, où chaque espèce a un rôle au sein de réseaux complexes de végétaux, d'animaux, champignons et bactéries. Le Bullit Center, inspiré des sapins de Douglas d'Amérique du Nord et des écosystèmes forestiers, est considéré comme le bâtiment "le plus vert du monde", notamment pour sa consommation énergétique et son système de recyclage de l'eau.

 

Sylvain Courtin - CC BY-NC-ND 2.0
Sylvain Courtin - CC BY-NC-ND 2.0

 

Les dix stratégies de la nature pour assurer la survie des écosystèmes

Ces écosystèmes matures et complexes ont développé pendant des milliards d'années des stratégies gagnantes, que Janine Benyus résume en "10 commandements" :

Utiliser les déchets comme ressources

Se diversifier et coopérer pour exploiter pleinement son habitat

Capter et utiliser l'énergie avec efficacité

Optimiser plutôt que maximiser

Utiliser les matériaux avec parcimonie

Ne pas souiller son nid

Ne pas épuiser les ressources

Maintenir un équilibre avec la biosphère

Se nourrir d'informations

Se fournir localement

 

Source : Biomimétisme : quand la nature inspire des innovations durables

Pour en savoir plus, visionner la fin de la conférence de Tarik Chekchak.

 

Le projet Ecotone

Zone de transition entre deux écosystèmes (urbain et naturel), le projet Ecotone à Arcueil s'inspire du vivant à plusieurs égards : au niveau de sa structure architecturale, de sa conception à l'image d'un épiderme vivant, ou encore de son organisation écosystémique dans une logique d'économie circulaire. Choix des techniques et des matériaux, démarches inspirées de la pomme de pin ou des termitières, ce vaste projet en forme de montagne de 82.000 m2 recouverte de verre et de végétal, se veut le premier projet de biomimétisme en architecture à une aussi grande échelle. Tant dans sa conception que dans sa philosophie, ce projet, conçu comme un vaste écosystème, qui devrait être opérationnel aux alentours de 2023, est une illustration des "10 commandements" de Janine Benyus. Ainsi, même les activités implantées sur place devront être compatibles.

A noter que la Compagnie de Phalsbourg, porteur du projet, s'est adjoint un comité scientifique composé notamment du Muséum national d'histoire naturelle et du Ceebios.

 

En savoir plus et visionner la vidéo de présentation :

Grand Paris à Arcueil : Ecotone, un bâtiment "biomimétique" en forme de montagne va sortir de terre, 20 minutes, 3 février 2018