Des obstacles...
"Les principaux obstacles tiennent à la difficulté de faire communiquer les disciplines entre elles [...], à l'absence de visibilité et à un manque d'outils pour systématiser l'approche"
Conseil économique social et environnemental, 2015
Malgré son potentiel remarquable, le biomimétisme souffre encore de la séparation académique entre les sciences du vivant et l’ingénierie. Les formations d'ingénieurs n'incluent pas d'enseignements biologiques, peu de ponts existent entre les différentes disciplines.
Le biomimétisme étant par essence pluridisciplinaire, il est difficilement mesurable en terme d'activité.
Par ailleurs, comme le suggère Gauthier Chapelle, "il est probable que l’énergie fossile ne soit pas encore assez chère et que tant que le processus de production industriel est encore rentable, rien n’incite à la rupture radicale".
Face à des pays comme l'Allemagne, ou même la Suisse, la France a du mal à faire reconnaître son réseau, organisé autour de Biomimicry Europa, association née en 2010 (et comité français de l'association éponyme créée en 2006 à Bruxelles) et du Ceebios.
Un manque de notoriété ?
NewCorp Conseil a souhaité mesurer la notoriété comparée des terminologies durables (développement durable, économie circulaire, smart city, transition énergétique, biomimétisme, troisième révolution industrielle …) et effectuer la première mesure de notoriété du biomimétisme auprès des Français. Il en ressort que 11 % des Français ont déjà entendu parler de biomimétisme, contre 91 % de développement durable. Selon Alain Renaudin, président-Fondateur de NewCorp Conseil, "il est possible que la progression en notoriété de ces nouveaux termes sera liée à la progression simultanée de la crédibilité et de l’efficacité des concepts qu'ils proposent".
... et des risques
Ne pas succomber au "greenwashing"
Pour autant, le biomimétisme n'est pas toujours synonyme de durabilité. Ainsi, comme le note le CESE, "une peinture "antifouling" imitant la peau de requin, permet en l’appliquant sur les coques des bateaux de réduire les frottements et donc la consommation de carburant. Par contre, le procédé de production de cette peinture requiert de fortes conditions de chaleur, de pression et de traitement chimique, qui génèrent des impacts néfastes sur l’environnement".
Ainsi, il ne suffit pas d'appliquer les règles de la nature pour s'assurer de la durabilité d'une innovation. En effet, un produit conçu en imitant une forme ou un procédé, mais qui serait ensuite fabriqué avec des produits toxiques ou nécessitant de grandes quantités d'énergie fossile ne pourrait se revendiquer "durable". C'est donc à l'ensemble du cycle de vie d'une innovation qu'il faut s'intéresser avant de la déclarer durable.
Rester humble
Janine Benyus elle-même s'inquiète, dès les premières pages de son ouvrage, Biomimicry, du risque de "détourner les inventions de la nature au bénéfice de la campagne que nous menons, depuis longtemps déjà, contre la vie même". Dès lors, que dire de certaines applications biomimétiques "procéd[ant] d'un détournement d'une fonction du vivant et non de son imitation" ? Ainsi, afin de produire du fil d'araignée en quantité, des chercheurs tentent de transplanter les gènes, qui permettent aux insectes de produire le fil de protéine, dans des vers à soie ou des bactéries. La société Araknitek s'intéresse de près aux chèvres, "dont le troupeau transgénique produit du lait contenant la fameuse protéine"...
Sources :
Le biomimétisme ou l'art de l'innovation durable, Paris Innovation Review, avril 2012
Le biomimétisme : s'inspirer de la nature pour innover durablement, CESE, septembre 2015
Du fil d'araignée à la tonne, l'Usine nouvelle, mars 2014