Un secteur en pleine croissance
Depuis deux décennies, le nombre de publications et de brevets en lien avec le biomimétisme ne cesse d'augmenter dans le monde. Ainsi, selon le journal Nature, le nombre de publications scientifiques mondiales sur le thème de la bio-inspiration a été multiplié par 7 au cours des 15 dernières années.
En France, plus de 175 équipes de recherche ont été identifiées sur le sujet du biomimétisme. Plus d'une centaine d'entreprises, grands groupes, PME, start-up, font appel à cette démarche dans de nombreux secteurs d'activités.
Ainsi, Airbus s'est inspiré des plumes de rapaces pour concevoir les "sharklet" de l'A321, permettant d'économiser 4 % de carburant.
Les start-up ne sont pas en reste, à l'instar de Prophesee qui développe un système de vision artificielle inspiré du fonctionnement de l’œil et du cerveau, avec des potentialités énormes.
Si les start-up préfèrent se spécialiser dans un domaine particulier, comme Eel Energy, les grand groupes, comme Eiffage s'engagent plutôt dans des programmes de R&D pour ensuite commercialiser les produits issus de ces recherches.
Le biomimétisme se révèle un outil intéressant pour innover dans les secteurs des matériaux, de l'information, de l'énergie, de l'eau ou de la chimie verte. Tous les secteurs industriels sont impactés, mais également l'architecture, l'urbanisme, l'agriculture...
Porteur d'une dynamique dans de nombreux secteurs de l'économie, le biomimétisme est potentiellement créateur d'emplois et d'activités.
La formation au biomimétisme est également un enjeu majeur. L'Allemagne, avec une quinzaine de formations diplômantes en biomimétisme, fait figure de modèle en Europe, où apparaissent des écosystèmes réunissant étudiants, chercheurs et partenaires industriels autour de "projets à fort potentiel innovant".
En France, le Ceebios a réalisé fin 2016-début 2017 un recensement des formations en France et en Europe. Dans ce documents sont également recensés des challenges, comme le Biomimicry Global Design Challenge, encadré par le Biomimicry Institute, ou le Biomim'Challenge, concours spécifiquement étudiant lancé par le Ceebios, dans le cadre de l’événement Biomim'expo. Ajoutons également, toujours à destination des étudiants, le AddUp Challenge 2018, organisé par AddUp en partenariat avec le Ceebios, et dont la thématique était "Impression 3D métallique et biomimétisme".
Sources :
Le biomimétisme ? Tendances et perspectives, Alain Renaudin, novembre 2016
Biomimétisme en France : un état des lieux, Ceebios, juillet 2018
Formation au biomimétisme : un enjeu pour la France, Ceebios, novembre 2017
Comment vivre sur notre planète sans la détruire ?
Dès 1997, Janine Benyus définissait le biomimétisme comme une "démarche d’innovation, qui fait appel au transfert et à l’adaptation des principes et stratégies élaborés par les organismes vivants et les écosystèmes, afin de produire des biens et des services de manière durable, et rendre les sociétés humaines compatibles avec la biosphère".
En effet, la nature fonctionne à l'énergie solaire, utilise comme ressource les rejets des autres espèces, s'appuie sur la diversité et la coopération. Elle sait produire des matériaux complexes et parfaitement adaptés, à température ambiante, en consommant peu d'énergie et sans toxicité.
Énergies renouvelables, séquestration du carbone, chimie verte, éco-matériaux, villes durables, économie circulaire... le biomimétisme est un outil d'innovation responsable.
Les limites de notre modèle
Face à la dégradation de notre environnement, à l'épuisement de nos ressources, au changement climatique ou encore à l'extinction des espèces (selon Tarik Chekchak, "un tiers des espèces pourrait disparaître d'ici à 2050"), notre modèle n'est plus tenable.
Aussi, "la démarche biomimétique en recherche et développement sous-entend de nous réapproprier le monde du vivant, d’impérativement arrêter de le détruire [...]. C’est une démarche qui suppose humilité, partage et respect, valeurs sans lesquelles l’avenir de l’humanité sera bien sombre."[Gilles Boeuf]
Ainsi, l'humanité a encore beaucoup à apprendre du vivant, et notamment des espèces en voie de disparition, comme les grands singes qui, en utilisant certaines plantes, aident les scientifiques à découvrir de nouvelles molécules actives sur certaines maladies.
Dans un autre domaine, en se basant "sur le principe des écosystèmes naturels, qui optimisent les interaction entre espèces, il devient possible de développer une agriculture manuelle, durable et autosuffisante, sans pesticides et hydrocarbures".
Intégrant les principes du vivant, le biomimétisme a été identifié comme "susceptible de répondre à au moins 9 des 17 objectifs du développement durable" tels que définis par l'ONU [Ceebios].
Un modèle bio-inclusif
Les enjeux du biomimétisme sont également sociaux et sociétaux.
Pour Pierre Piré-Lechalard, "un modèle économique bio-inspiré ne peut s’envisager en laissant au bord du chemin l’immense majorité des individus. Il ne peut s’agir que d’un modèle inclusif."
Pour Gauthier Chapelle, les grandes innovations du vivant sont nées de la coopération. Pour expliquer le fonctionnement du vivant, il prend l'exemple de la collaboration entre les arbres et les champignons, où les arbres produisent des sucres qui profitent aux champignons, qui à leur tour livreront aux petits arbres ou à des arbres d'une autre espèce les excès de sucre.
Exemple de projet bio-inspiré à fort enjeu social et environnemental, le projet Arbres sauveurs à Haïti, permet de lutter contre le changement climatique et d'apporter une source de nourriture à une population en insécurité alimentaire. Il participe également à un programme de reforestation et vise à terme de permettre l'agroforesterie.
En France, trois régions se distinguent plus particulièrement : l'Ile-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et la Nouvelle-Aquitaine.
Engagée de longue date dans des actions en faveur de la croissance verte et bleue, la région Nouvelle-Aquitaine est la région la plus en pointe en matière de biomimétisme.
En 2016, la région engage une démarche régionale en faveur du biomimétisme. Une première cartographie des acteurs aquitains engagés dans le domaine est publiée en 2016. En décembre 2017, dans un rapport commandé par la région, le cabinet Vertigo Lab évalue l'impact économique du biomimétisme dans la région à l'horizon 2027 et identifie 4 grandes filières régionales dans lesquelles le biomimétisme pourrait être porteur de croissance. Le dernier rapport, publié en avril 2018 évalue à 51 le nombre d'acteurs engagés dans le secteur du biomimétisme.
A noter que depuis 2016, la ville de Biarritz et l'agglomération Pays Basque souhaitent s'engager dans le développement d'un pôle de biomimétisme marin au Pays Basque. Le 18 mars 2018, était d'ailleurs organisée à la Cité de l'Océan de Biarritz une journée dédiée au biomimétisme.
Sources :
Biomimétisme en France : un état des lieux, Ceebios, juillet 2018
Biomimétisme, la France peut, là aussi; être une championne !, Anne-Sophie Novel, Même pas mal !, 18 juillet 2018